A Samba

A Samba

​Quand Samba perdit son père et sa mère, c’est sa co-épouse qui reçut la charge de l’éduquer.

Un jour, alors qu’ils s’apprêtaient à manger, elle voulut appeler son propre fils par son nom. Mais Samba et son demi-frère se ressemblaient comme deux gouttes d’eau et portaient le même prénom. Elle n’arrivait pas à savoir lequel des deux était son enfant. Elle appela :

— A Samba !

Ils répondirent en chœur

— A Samba !

Elle dit, s’adressant à celui qu’il prenait pour son fils et qui l’était en réalité :

— Je t’appelle A Samba et tu me réponds A Samba, qui es-tu ?

Il lui répondit :

— Mère, tu veux me créer des problèmes. C’est moi que tu as mis au monde.

— Alors viens t’asseoir ici par terre. Si c’est moi qui t’ai mis au monde, l’autre ne touchera pas à ce repas, dit-elle en désignant l’autre Samba. Il va manger avec les porcs.

Alors, lorsqu’elle servit à manger à l’autre Samba au milieu des porcs, son propre fils lui dit :

— Pas question que je prenne mon repas ici alors que mon frère est avec les porcs. Nous mangerons ensemble.

— Et pourquoi ? lui demanda sa mère.

— Parce que j’ai décidé que moi, je ne vais pas manger ici, tout seul.

Alors la femme alla chercher un bracelet qu’elle mit au poignet de son fils afin de le distinguer de l’autre Samba. Lorsqu’ils sortirent pour jouer, Samba prit le bracelet, le brisa et en fabriqua deux, l’un qu’il mit au poignet de son frère et un autre qu’il porta lui-même. Et il dit à son frère :

— Si Mère dit « A Samba », répondons tous les deux en même temps. Il ne faut pas qu’un seul réponde. Nous répondrons tous les deux. Si elle regarde ma main, elle y trouvera le bracelet. Si elle regarde la tienne, elle y trouvera le même bracelet.

Un jour, alors qu’ils rentraient du pâturage, la maman appela :

— A Samba !

Les enfants répondirent en chœur :

— Oui !

Elle prit la main de l’un et y trouva le bracelet. Elle prit la main de l’autre et y trouva le bracelet. Elle resta sans voix. Elle leur servit du riz. Ils mangèrent tout.

Les enfants vécurent ainsi jusqu’à l’âge adulte. Samba, l’orphelin, finit par se convaincre qu’il fallait qu’il aille s’installer là où le porteraient ses pas pour laisser Samba, son frère, vivre en paix avec sa mère. Il alla acheter du lait, en remplit une bouteille qu’il ferma avant de la suspendre à sa porte. Puis, il appela son frère.

— A Samba !

Il lui répondit :

— A Samba !

Il lui dit :

— Nous sommes devenus des adultes. Je vais prendre le vélo que nous conduisions pour aller garder le troupeau. Je m’en irai là où me porteront mes pas.

Son frère lui dit :

— A Samba. Je te suivrai partout où tu iras.

Il lui dit :

— Non, reste et occupe-toi de ta mère.

Il ne voulut rien entendre. Alors, Samba prit le vélo et arriva dans un village où il était difficile de se procurer de l’eau. En effet, les villageois devaient sacrifier un être humain à un boa avant de pouvoir accéder au puits qui se trouvait à la mare.

À son arrivée, Samba demanda aux villageois de lui donner à boire. Sa gorge était sèche.

Ils répondirent :

— Il y a bien un lieu où nous pouvons aller chercher de l’eau mais il y a un monstre qui y habite. Nous devons faire sacrifice d’une personne pour avoir droit à l’eau.

Stupéfait, il répondit :

— Ah bon ? Montrez-moi l’endroit en question.

Ils lui répondirent :

— Tu te feras avaler.

Il insista et on le conduisit à l’endroit tant redouté. Arrivé à la mare, il se pencha et puisa de l’eau : kiribÿ.

La chose demanda :

— Qui est-ce ?

Il répondit :

— Un étranger.

Elle lui dit :

— Tu puises de l’eau pour quoi faire ?

Il répondit :

— Je puise de l’eau pour en boire.

Le monstre reprit :

— Tes hôtes ne t’ont-ils pas dit qu’aujourd’hui ils n’ont pas le droit de toucher à cette eau ? C’est demain le jour où il leur est donné l’autorisation d’accéder à cette eau !

Il lui rétorqua :

— Toi, tu crois que moi l’étranger, je viens jusqu’ici pour mourir de soif ? Pourquoi ne devrais-je pas boire ?

Sur ces mots, Il puisa de l’eau et s’aspergea tout le corps. Il puisa encore : kiribÿ. La chose lui dit :

— C’est qui ?

Il lui répondit :

— C’est moi toujours.

Elle lui demanda :

— Tu puises de l’eau pour quoi faire ?

Il lui répondit :

— Pour me laver.

Elle lui dit :

— Pour te laver ? On ne t’a pas dit qu’on ne touche pas comme ça à mon eau ?

Et Samba se mit encore à prendre de l’eau : kiirbiÿ.

Elle demanda :

— Qui est-ce ?

Il lui répondit :

— C’est moi.

Elle lui demanda :

— Tu puises de l’eau pour quoi faire ?

Il lui répondit :

— Pour en donner à mon chien.

— Non, non, toi, si je te laisse faire, tu vas me finir mon eau !

Samba continua à prendre de l’eau et la chose lui demanda :

— C’est qui ?

Il lui dit :

— Je t’ai dit que c’est moi.

— Tu puises de l’eau pour quoi faire ?

— Je puise pour la déverser par terre, il y a trop d’eau.

Le monstre lui dit :

— Tu t’es donc préparé pour me chercher noise. Attends que j’arrive.

A Samba avait des cartouches et lorsque la chose se montra, il tira sur elle. Elle tomba mais il tira encore. Elle s’immobilisa et lui dit :

— C’est donc toi qu’ils ont envoyé ?

Il lui répondit :

— Si toi, tu manges des personnes, eh bien, aujourd’hui, c’est moi qui vais te manger.

Il tua le boa, lui coupa la queue qu’il mit dans son sac. Il alla puiser de l’eau avec un seau. Et il s’en alla trouver la fille qui devait être sacrifiée. Il la trouva en train de pleurer à chaudes larmes. Il la consola et lui dit :

— Prends de cette eau et bois-en.

Elle dit :

— Je ne peux pas en boire, je ne vais pas en boire.

Il lui dit :

— Comment se fait-il que tu ne veuilles pas en boire ?

Elle lui dit :

— Aujourd’hui, dans le village, c’est ma famille qui doit donner une fille en offrande au boa. Et c’est moi qui vais être livrée en sacrifice pour qu’ils puissent avoir de l’eau.

Pendant ce temps, tout le village se préparait pour faire le sacrifice et donner la jeune fille en offrande afin de pouvoir ensuite puiser de l’eau. Les tam-tams résonnaient. Arrivée à la mare, on intima à la jeune fille l’ordre d’entrer dedans. Elle descendit jusqu’au niveau où le boa se tenait d’habitude ; l’animal ne réagit pas.

On lui dit :

— Descends encore.

Elle leur répondit :

— Je suis en train de le toucher, mais je ne pense pas qu’il soit en vie. L’eau est devenue toute rouge. Il est mort.

Elle le ligota. Les villageois le sortirent des eaux et tous laissèrent éclater leur joie par des chants et  des danses. Leur chef demanda :

— Qui de vous a accueilli un étranger chez lui ?

Chacun déclarait qu’il avait un hôte chez lui.

Le chef leur dit :

— Si quelqu’un se présente avec la queue de cet animal, nous saurons comment le récompenser.

Pendant ce temps, le garçon s’était rendu dans la forêt. Il avait longuement cheminé dans la forêt et y avait rencontré un autre être maléfique qui prenait les personnes en otage. L’esprit lui dit :

— C’est qui ?

Il lui répondit :

— C’est moi.

— Toi qui ?

Il lui répondit :

— Moi, Samba.

Il poursuivit :

— Tes hôtes ne t’ont pas dit que cet endroit est inaccessible ? Ici, personne ne passe.

Le garçon lui dit :

— Moi, je passerai.

Il s’obstina à vouloir passer, l’esprit maléfique le frappa avec la calebasse qu’il tenait. Il le prit et l’enferma dans sa demeure. Cependant, la bouteille de lait qu’il avait laissée avec son demi frère Samba se gonfla et se déversa. Son frère prit peur et dit à sa mère.

— Maman ! J’ai perdu mon frère. Je m’en vais moi aussi. Prends soin de la maison toute seule.

Lui aussi prit l’autre vélo et partit. Arrivé au village où était passé son frère, tout le monde courut, croyant que c’était lui. On lui demanda :

— A Samba, où étais-tu ?

Il leur dit :

— Non, ce n’est pas moi que vous avez vu. C’est mon frère. Montrez-moi par où il est passé, poursuivit-il.

On lui dit :

— Ton frère nous avait dit qu’il allait dans la forêt.

Il s’en alla et arriva à l’endroit où se trouvait l’esprit maléfique. Ce dernier demanda :

— Qui est-ce ? Et où est-ce que tu vas ?

Il lui répondit :

— Je vais au cœur de cette forêt.

Il lui dit :

— Personne n’entre ici.

Il entra dans le lieu et avant même que l’esprit maléfique ne le frappât, il tira sur lui une balle. L’être maléfique tomba. Ainsi, il entra dans la demeure de l’esprit maléfique et en ouvrit toutes les portes en appelant :

— A Samba, A Samba !

Le silence régnait. Lorsqu’ il ouvrait une porte, il ne trouvait que des gens que l’esprit maléfique avait pris en otage. Il leur dit :

— Sortez, sortez !

Il était même étonné de voir tout ce monde. Il continuait à ouvrir les portes. Il entra enfin dans la pièce où se trouvait A Samba. Il lui dit :

— En fait, lorsque la bouteille s’est déversée, j’ai su que tu avais des ennuis. C’est pour cela que je t’ai suivi.

Ainsi, ils libérèrent beaucoup de gens et les ramenèrent avec eux. Son frère dirigea la foule et lui resta derrière pour la surveiller. Arrivés dans le village d’où ils venaient, certains disaient :

— Ces gens ont été pris en otage des années durant.

— Tieh ! C’est vous qui les avez fait sortir ?

On demanda encore au premier garçon.

— Nous ne savons pas qui a tué l’animal qui était dans la mare. N’est-ce pas toi ? Cela nous embarrasse vraiment.

Il sortit la queue de l’animal et la leur donna.

Ils lui dirent :

— C’est donc toi qui l’as tué ? Bon ! Que veux-tu qu’on te donne en récompense ?

Il leur répondit :

— Je n’ai pas besoin d’être payé. Donnez-moi en mariage la fille que vous deviez sacrifier à l’animal.

Les villageois accompagnèrent la fille jusqu’au village de son mari. Ils prirent les richesses trouvées dans la demeure de l’esprit maléfique et leur construisirent une belle maison. A Samba garda les richesses. La marâtre changea de comportement et l’aima comme son propre fils. Ils vécurent ainsi dans la paix jusqu’à la fin de leurs jours.

Ainsi s’achève le conte.